Actualité
Mardi 05 décembre 2023

MiMédi : pour une démocratisation des médicaments de thérapie innovante

mimedi-moyenne.jpg

Les médicaments innovants représentent un espoir pour de nombreux patients atteints de cancers ou de maladies auto-immunes. Malheureusement, leur coût de production colossal constitue un obstacle majeur à leur utilisation. Le projet MiMédi, soutenu par l’école Femto Engineering, composante de l’institut Carnot TSN, vise à rationaliser leur fabrication, afin de les rendre plus accessibles.

De nombreuses affections touchant l’être humain restent difficiles à soigner : cancers, maladies auto-immunes, syndromes inflammatoires… Afin de lutter plus efficacement contre ces pathologies, de nouveaux traitements ont été élaborés : les médicaments de thérapie innovante. Leur principe : prélever des cellules auprès d’un patient ou d’un donneur sain, appliquer ensuite des procédés de sélection ou d’amélioration pour leur permettre d’acquérir de nouvelles propriétés physiologiques, puis réinjecter ces cellules – ou un produit issu de ces dernières – au patient, qui peut alors combattre plus efficacement la maladie.

Si le principe semble limpide et l’intérêt évident, les médicaments de thérapie innovante se heurtent à un obstacle majeur : leur coût de production. « Leur fabrication fait appel à des technologies complexes, exige de nombreuses compétences et nécessite énormément d’étapes », note Olivier Lehmann, ingénieur spécialisé en robotique chez FEMTO Engineering. L’environnement dans lequel se déroule cette fabrication doit également répondre aux critères stricts d’une salle blanche, via de multiples contrôles, afin de limiter au maximum les risques de contamination. Des difficultés auxquelles s’ajoutent les nouvelles contraintes sanitaires, qui représentent un poids supplémentaire. « Au bout du compte, ces médicaments peuvent coûter 300 à 500 000 euros par dose », résume l’ingénieur. Un coût rédhibitoire pour une commercialisation auprès du grand public.*


Réduire les coûts de production des médicaments innovants

C’est dans le but de rendre ces thérapies plus accessibles qu’a été créé le projet MiMédi (Microtechniques pour les Médicaments Innovants). Une collaboration regroupant à la fois des biologistes et des spécialistes des sciences de l’ingénieur, mais aussi des acteurs des mondes académique et industriel. En effet, le projet réunit premièrement l’Établissement Français du Sang, l’université de Franche-Comté à travers deux laboratoires (UMR RIGHT et FEMTO-ST), le CHRU de Besançon et FEMTO Engineering, composante du Carnot TSN. Une liste à laquelle s’ajoutent six partenaires industriels : iLsa, Smaltis, AUREA Technology, Diaclone, MED’INN’Pharma et Bioexigence. L’objectif du projet : rationaliser la fabrication des médicaments de thérapie innovante, afin de diminuer significativement leur coût de production.

La première étape consistait à analyser et à comprendre les processus employés. « Les biologistes et les spécialistes des sciences de l’ingénieur ne parlent pas vraiment le même langage », relève Olivier Lehmann. « Il a donc d’abord fallu se familiariser avec le vocabulaire de chacun et décrypter les problématiques à résoudre. » Un travail primordial qui a permis d’identifier les principales sources de coût et de mettre au jour des pistes pertinentes de rationalisation. L’équipe MiMédi a alors proposé deux grands axes d’amélioration, qui ont conduit au dépôt de plusieurs brevets.

1) Sélectionner efficacement les cellules ciblées
Afin de produire des médicaments de thérapie innovante, il convient tout d’abord d’isoler les cellules qui vont ensuite être modifiées (par exemple, les lymphocytes T). « Aujourd’hui, la méthode la plus courante consiste à procéder par centrifugation, puis par ajout de produits complémentaires, pour séparer les différentes couches », explique l’ingénieur de FEMTO Engineering.

Les chercheurs ont exploré plusieurs pistes d’amélioration de cette étape. La première s’appuie sur une approche différente de la centrifugation et limite le recours aux produits de séparation, qui peuvent s’avérer toxiques s’ils ne sont pas correctement évacués.

Une autre solution développée permet de séparer efficacement des cellules, sans centrifugation. À cet effet, elle utilise la réponse des différentes structures biologiques à des ondes acoustiques ou à des champs électrostatiques. Ce dernier cas (procédé de diélectrophorèse) nécessite la fabrication de puces microfluidiques, comprenant l’assemblage de deux électrodes l’une sur l’autre.

2) Produire les médicaments innovants en système clos
L’équipe de recherche s’est également concentrée sur la minimisation des risques de contamination, en mettant au point un système clos de fabrication. En effet, les méthodes classiques actuelles imposent généralement d’ouvrir le milieu de culture, ce qui oblige à multiplier les tests de stérilité au fur et à mesure de la production. Ici, au contraire, tous les éléments fonctionnent en système clos et sont reliés par des connexions stériles.

Malgré tout, il est indispensable d’être en mesure de contrôler l’état du produit, toujours sans ouvrir ou réaliser un prélèvement. Sur cet aspect encore, plusieurs solutions ont été élaborées. 

Une autre solution développée par les équipes MiMédi s’appuie sur la vision par ordinateur et des algorithmes d’apprentissage automatique. Ces derniers, via un réseau de neurones, sont ainsi capables d’identifier les différentes cellules présentes au sein du produit circulant dans le système clos, observé via des microscopes. Cependant, encore fallait-il pouvoir entraîner l’intelligence artificielle.  « Il n’existait pas de corpus de référence, il nous a donc fallu le créer », avance Olivier Lehmann. « Nous avons dû identifier à la main des dizaines de milliers de cellules sur une large banque d’images. Ces données étiquetées ont alors servi de jeu d’entraînement pour la machine, qui a adapté son réseau de neurones en conséquence. »

Cette approche en système clos pourrait même permettre de se passer d’une salle blanche lors de la production. « Les premiers tests ont montré une absence totale de contamination, via ce procédé de fabrication », témoigne l’ingénieur. Néanmoins, à l’heure actuelle, il est impossible de s’affranchir d’une salle blanche, les normes en vigueur imposant d’y recourir.

De nouvelles méthodes déjà à l’étude

Le projet MiMédi, achevé en décembre 2022, a poussé la création d’une start-up afin d’exploiter les résultats obtenus. CellQuest a ainsi mis au point une machine de production de « CAR-T cells », des lymphocytes T traités pour détecter des cellules cancéreuses de manière plus efficace, via l’ajout de marqueurs. Si le procédé existait déjà, l’entreprise souhaite le rendre beaucoup plus abordable, en divisant le coût de fabrication par dix, grâce à sa solution automatisée. Et les premiers résultats montrent que les CAR-T cells ainsi obtenus répondent aux exigences : les cellules modifiées sont présentes dans la concentration attendue et il n’y aucune trace de contamination.

Malheureusement, pour l’heure, aucun patient n’a pu bénéficier des médicaments innovants produits de cette façon. Avant même d’accéder aux essais cliniques, ceux-ci doivent en effet recevoir des autorisations, dont l’obtention nécessite plusieurs années.

Cela ne décourage toutefois pas l’équipe MiMédi, qui entend continuer ses recherches pour optimiser la production de médicaments de thérapie innovante. « Nous travaillons actuellement sur le montage d’un nouveau projet, avec les mêmes partenaires, qui pourrait commencer fin 2023 », annonce l’ingénieur de FEMTO Engineering. « Nous souhaitons notamment mettre au point des tests, à un coût raisonnable, permettant de vérifier que des patients sont réceptifs à ces médicaments ou de s’assurer de la compatibilité des donneurs. » À cette occasion, de nouvelles voies pourraient être explorées, telles que la mesure de l’impédance d’un milieu liquide complexe, c’est-à-dire sa réponse électrique à un courant de faible intensité. Qui pourrait constituer un nouveau marqueur déterminant pour démocratiser les médicaments innovants.